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Ils décidèrent à l’unanimité que le moment était venu de chasser pendant quelques jours et de glaner de la nourriture pour réapprovisionner leur garde-manger et renouveler leur matériel, qui montrait d’importants signes d’usure. Ils étaient tout excités d’avoir trouvé un endroit où régnait une telle abondance.

— Je veux cueillir ces baies, dit Levela. Elles ont l’air à point.

— Oui, mais d’abord je tiens à confectionner un panier à me suspendre autour du cou pour avoir les mains libres, expliqua Ayla. Je veux en cueillir assez afin d’en faire sécher une partie pour les galettes de voyage, mais il me faut tresser une ou deux nattes pour le séchage.

— Tu veux bien fabriquer un panier pour moi ? demanda Zelandoni. Je peux participer à la cueillette.

— Moi aussi. Tu me feras un panier ? s’enquit Amelana.

— Montre-moi comment tu confectionnes les tiens, dit Beladora. Cueillir des deux mains est une bonne idée, mais je porte toujours le panier sur le bras.

— Je vous montrerai comment faire, et aux enfants aussi. Ils peuvent nous aider, répondit Ayla. Allons chercher des roseaux et des épis de lin.

— Et des racines pour le repas du soir, ajouta Beladora.

Loup regardait Jonayla et Ayla et il glapit finalement pour attirer l’attention de cette dernière. Il courait vers le pré, puis revenait à la même allure.

— Toi aussi, tu veux partir explorer et chasser, Loup ? Eh bien, vas-y, dit-elle en lui faisant un signe de main qui signifiait qu’il était libre d’aller où il voulait.

Les femmes passèrent l’après-midi à déraciner des plantes sur la berge boueuse du lac formé par le bras mort de la rivière : les grands roseaux, dont la cime plumeuse dépassait Jondalar et Kimeran, et le lin des marais, légèrement plus petit, dont les épis donnaient du pollen comestible. Les jeunes rhizomes et les tiges inférieures des deux plantes pouvaient être consommés crus ou cuits, de même que les petits bulbes qui poussaient sur les rhizomes. Par la suite, il était possible de broyer les vieilles racines séchées pour faire une sorte de pain, particulièrement bon quand la pâte était mélangée avec le pollen jaune savoureux des épis de lin, mais les plantes non comestibles étaient tout aussi importantes.

Avec les tiges creuses et souples des roseaux on pouvait tresser de grands paniers ou des nattes élastiques, presque moelleuses, plus agréables que les fourrures de couchage quand il faisait chaud, ou encore des nattes sur lesquelles étendre les fourrures quand il faisait froid. Avec les feuilles de lin, on confectionnait aussi des nattes pour divers usages : se coucher, s’asseoir ou se protéger les genoux. Elles permettaient de tresser non seulement des paniers, mais aussi des cloisons, des couvertures imperméables pour les habitations, des manteaux de pluie et des chapeaux. Quand elle séchait, la tige pleine du lin faisait un excellent tisonnier, sa cime brune devenait duveteuse et s’enflammait comme de l’amadou, faisant de la bourre pour le couchage, les coussins et les oreillers, ou un bon matériau absorbant pour les déjections des bébés ou les menstrues. Elles avaient trouvé un véritable marché à ciel ouvert dans ces massifs de plantes qui poussaient si abondamment au bord de l’eau.

Le reste de l’après-midi, les femmes tressèrent des paniers pour la cueillette des baies. Les hommes discutèrent de chasse et décidèrent de couper des pousses bien droites de jeunes arbres afin de confectionner de longues sagaies en remplacement de celles qui avaient été perdues ou brisées. Jondalar partit sur Rapide pour tenter de dénicher le troupeau qui avait laissé les traces découvertes plus tôt. En même temps, il chercherait les affleurements de silex qui, il en était certain, pouvaient se trouver dans la région. Ayla envisagea un instant de l’accompagner, mais elle était prise par le travail de fabrication des paniers et ne voulait pas interrompre sa tâche.

Le soir venu, bien que Jondalar ne fût pas encore de retour, ils se retrouvèrent pour le repas du soir et chacun exposa ses projets. Ils étaient tous en train de rire et de bavarder quand Jondalar entra dans le camp en arborant un large sourire.

— J’ai repéré un troupeau de bisons assez important, annonça-t-il à la cantonade, et j’ai trouvé aussi du silex qui semble de bonne qualité pour les nouvelles sagaies.

Il mit pied à terre et prit plusieurs grosses pierres grises dans les paniers de bât que Rapide portait sur ses flancs. Tout le monde se rassembla autour de lui pendant qu’il enlevait les couvertures de monte et le licou de l’étalon, puis le dirigeait vers l’eau d’une tape sur la croupe. Le cheval brun pataugea dans le lac, se désaltéra, ressortit, puis se laissa tomber sur la berge sablonneuse, roulant sur le dos d’un côté et de l’autre, ce qui fit rire l’assistance. C’était amusant de voir l’animal donner des coups de pied en l’air et se gratter le dos avec tant de plaisir.

Jondalar se joignit aux autres autour du feu et Ayla lui donna un bol de nourriture faite de viande séchée reconstituée, de racines, de tiges basses et de fleurs de lin, le tout cuit dans un bouillon de viande. Il lui sourit :

— Et j’ai aussi vu une compagnie de grouses. C’est l’oiseau dont je t’ai parlé, qui ressemble à un lagopède, si ce n’est que son plumage ne blanchit pas en hiver. Si nous en attrapons, nous pourrons utiliser les plumes pour les sagaies.

Ayla lui rendit son sourire.

— Et je pourrai préparer le plat préféré de Creb, ajouta-t-elle.

— Tu veux aller les chasser demain matin ? lui demanda Jondalar.

— Oui… répondit Ayla avant de froncer les sourcils. En fait, j’avais prévu de cueillir des baies…

— Va chasser la grouse, dit Zelandoni. Nous sommes assez nombreuses pour la cueillette.

— Et je surveillerai Jonayla, si tu veux, proposa Levela.

— Finis de manger, Jondalar, dit Ayla. J’ai vu de jolis galets ronds pour ma fronde dans le lit du ruisseau à sec. Je veux aller les ramasser avant que la nuit tombe. Je devrais emporter mon lance-sagaie. Il me reste quelques sagaies.

 

 

Le lendemain matin, au lieu de sa tenue habituelle, elle mit des jambières en daim, pareilles à des sous-vêtements masculins d’hiver, puis des chausses qui consistaient en un mocassin attaché à une guêtre souple enroulée autour de la cheville. Elle passa enfin une sorte de gilet également en daim dont elle serra bien le laçage de devant, qui maintenait convenablement la poitrine. Puis elle se fit rapidement des tresses pour être plus à l’aise et s’entoura la tête de sa fronde. Elle mit le support du lance-sagaie et des sagaies dans son dos, noua autour de sa taille la lanière à laquelle étaient attachés un bon couteau dans sa gaine, un petit sac rempli des galets qu’elle avait ramassés, un autre sac contenant divers ustensiles, dont son gobelet, et enfin une petite sacoche de secours contenant divers remèdes d’urgence.

Elle s’habilla rapidement, tout excitée. Elle ne s’était pas rendu compte combien elle avait envie de partir à la chasse. Elle prit sa couverture de monte, sortit de la tente, siffla Loup, puis elle se dirigea vers l’endroit où paissaient les chevaux. Grise était attachée par un long licou à un piquet fiché dans le sol pour l’empêcher d’aller trop loin ; elle avait tendance à s’égarer. Elle savait que Whinney ne s’éloignerait pas de la jeune jument. Jondalar avait laissé Rapide dans le même coin. Elle arrangea la couverture de monte sur le dos du cheval louvet et, après avoir pris Grise et Rapide par la longe, elle sauta sur la jument et chevaucha jusqu’au feu de camp. Elle balança la jambe, se laissa glisser à terre et alla à sa fille, assise près de Levela.

— Jonayla, tiens Grise, dit-elle en tendant la longe à la fillette. Elle va peut-être vouloir nous suivre. Nous ne serons pas partis longtemps.

Elle se retourna et vit Loup arriver vers elle en courant.

— Ah, te voilà ! dit-elle.

Pendant qu’Ayla embrassait sa fille, Jondalar se fourrait une dernière bouchée de racine de lin dans la bouche et une lueur s’alluma dans son œil quand il regarda sa compagne en tenue de cheval et de chasse, tout excitée à la perspective du départ. Comme elle est belle ! pensa-t-il. Il alla à la grosse outre, en remplit d’eau de plus petites pour les emporter et en versa aussi dans sa tasse. Il apporta le reste à Ayla, lui donna une petite outre et remit la tasse dans sa sacoche. Ils adressèrent quelques paroles d’adieu à ceux qui étaient assis autour du feu et montèrent sur leurs chevaux.

— J’espère que vous allez trouver vos lagopèdes ou vos grouses ! lança Beladora.

— Oui, bonne chasse, leur souhaita Willamar.

— En tout cas, bonne promenade, ajouta la Première.

Tout en regardant le couple s’en aller, chacun se laissait aller à ses propres pensées et sentiments le concernant. Willamar considérait Jondalar et sa compagne comme les enfants de Marthona, donc les siens, et il éprouvait à leur égard un tendre amour paternel. La Première avait un sentiment particulier pour Jondalar, qu’elle avait aimé et aimait encore d’une certaine façon, quoique ce fût maintenant comme un ami, presque comme un fils. Elle appréciait les multiples dons d’Ayla, l’aimait comme une amie et était contente d’avoir une collègue en qui elle voyait une égale. Elle était contente aussi que Jondalar ait trouvé une femme digne de son amour. Beladora et Levela en étaient aussi arrivées à aimer Ayla comme une amie chère, même si elle leur inspirait parfois un certain respect mêlé de crainte. Elles étaient sensibles au pouvoir de séduction magnétique de Jondalar, mais maintenant qu’elles avaient toutes les deux des compagnons et des enfants qu’elles aimaient, elles l’appréciaient plutôt comme un ami prévenant prêt à les aider chaque fois qu’elles le lui demanderaient.

Jonokol, les deux jeunes spécialistes du troc, et même Kimeran et Jondecam estimaient les talents de Jondalar, surtout dans le travail du silex et la fabrication des lance-sagaies, et l’enviaient un peu. Sa compagne était attirante et accomplie dans bien des domaines ; elle lui était cependant si dévouée que même pendant les Fêtes de la Mère elle ne choisissait que lui, mais il avait toujours eu la réputation d’avoir du succès auprès des femmes. Nombre d’entre elles continuaient à lui trouver un charme presque irrésistible, bien qu’il n’encourageât pas leurs avances.

Amelana, toujours envoûtée par Ayla, avait du mal à ne voir en elle qu’une femme avec qui se lier d’amitié ; elle avait pour elle une admiration sans bornes et aurait aimé lui ressembler. La jeune femme trouvait elle aussi Jondalar extrêmement séduisant et elle avait essayé à l’occasion de le lui montrer, mais il semblait ne pas l’avoir remarqué. Tous les autres hommes qu’elle avait rencontrés au cours de ce voyage lui accordaient au moins un regard appréciateur, alors qu’elle n’avait jamais réussi à obtenir de lui plus qu’un sourire amical mais détaché et elle ignorait pourquoi. En fait, Jondalar se rendait parfaitement compte qu’il lui plaisait. Quelques années plus tôt, plus d’une jeune fille avec qui il avait participé aux Premiers Rites avait tenté ensuite de continuer à éveiller son intérêt, bien qu’il ne lui fût pas permis d’avoir d’autres relations avec lui pendant un an. Il avait appris à décourager les tentatives de ce genre.

Ils s’éloignèrent sur leurs montures, escortés de Loup. Jondalar les mena vers l’est jusqu’à un endroit qui lui semblait familier. Il arrêta son cheval et montra à Ayla où il avait trouvé le silex, puis jeta un coup d’œil alentour et repartit dans une autre direction. Ils arrivèrent sur une lande couverte de fougère, de bruyère – les plantes favorites de la grouse – et d’herbe grossière parsemée de quelques taillis et roncières, non loin de la berge ouest du lac. Ayla sourit. Le lieu était semblable à la toundra, habitat du lagopède, et on pouvait aisément imaginer qu’une variété méridionale de l’oiseau vive dans cette région. Ils laissèrent les chevaux près d’un taillis de petits noisetiers qui entourait un gros arbre.

Loup avait remarqué quelque chose un peu plus loin. En alerte, résolu, il gémissait doucement.

— Vas-y, Loup. Trouve-les, dit Ayla.

Pendant qu’il s’élançait, elle fit glisser sa fronde de sa tête, prit deux galets dans son petit sac, en plaça un dans le godet de l’engin et saisit les deux extrémités. Elle n’eut pas à attendre longtemps. Dans un soudain tumulte d’ailes, Loup débusqua cinq grouses. Les oiseaux vivaient près du sol, mais pouvaient prendre leur essor à toute allure puis voler longtemps. Ils ressemblaient à des poules dodues dotées d’un camouflage marron et noir semé de blanc. Ayla lança une pierre à l’instant où elle aperçut le premier oiseau et une seconde avant que le premier ne touche le sol. Elle entendit un chuintement, puis vit la sagaie de Jondalar en transpercer un troisième.

S’ils n’avaient été que tous les deux à se déplacer comme d’ordinaire au cours de leur Voyage, cela aurait suffi, mais ils étaient maintenant seize, dont quatre enfants. Ayla avait si bien l’art d’accommoder ce gibier ailé que tout le monde voulait y goûter et bien que les volatiles aient été de bonne taille – six ou sept kilos – trois suffiraient difficilement à nourrir autant de monde. Elle aurait voulu que ce soit la saison de la ponte : elle aimait farcir les oiseaux avec leurs œufs et les mettre à rôtir ensemble. Les nids consistaient généralement en un creux dans le sol tapissé d’herbes ou de feuilles, mais il n’y avait pas d’œufs en cette période de l’année.

Ayla siffla Loup, qui revint en bondissant. Il était évident qu’il prenait plaisir à donner la chasse à ces volatiles.

— Peut-être pouvons-nous en trouver d’autres, dit-elle, avant de se tourner vers le chasseur quadrupède : Trouve-les, Loup. Trouve les oiseaux.

Le loup fila à nouveau dans le pré, suivi d’Ayla et de Jondalar. Une autre grouse ne tarda pas à s’envoler et bien qu’elle fût à quelque distance, Jondalar lança une sagaie avec son propulseur et réussit à l’abattre.

Puis, pendant que Jondalar s’occupait de celle qu’il avait tuée, un vol de quatre mâles prit son essor, reconnaissables au noir et brun de leur plumage, aux marques blanches sur leur queue et leurs ailes, aux jaune et rouge de leur bec et de leur crête. Ayla en abattit encore deux avec sa fronde ; elle manquait rarement son coup. Jondalar avait entendu les oiseaux s’envoler mais ne les avait pas vus et il tarda à armer son lance-sagaie. Il en blessa un et l’entendit glapir.

— Cela devrait suffire, dit Ayla, même si nous laissons le dernier à Loup.

Avec l’aide de Loup, ils retrouvèrent et ramassèrent les derniers des sept oiseaux abattus. L’un d’eux avait une aile brisée mais vivait encore. Ayla lui tordit le cou et retira la sagaie, puis fit comprendre à Loup qu’il lui revenait. L’animal le prit dans sa gueule et l’emporta hors de vue dans le pré. Avec des herbes résistantes en guise de corde, ils attachèrent les autres grouses deux à deux par les pattes et retournèrent à l’endroit où paissaient les chevaux. Ayla enroula de nouveau la fronde autour de sa tête tout en marchant.

À leur retour au camp, tout en préparant des hampes de sagaie, les chasseurs discutaient de la chasse aux bisons. Jondalar se joignit à eux pour achever les nombreuses sagaies dont ils avaient besoin. Après avoir taillé le silex en pointes en le frappant pour en enlever des éclats, ils fixèrent celles-ci aux hampes qu’ils empennèrent avec les plumes de grouse fournies par Ayla. De son côté, elle prit la large pelle formée d’une ramure dont tous se servaient pour débarrasser le foyer de ses cendres et diverses autres tâches. Elle n’était cependant pas faite pour creuser des trous. Pour cela, elle utilisa une sorte d’alêne, une lame pointue en silex bien solide attachée à l’extrémité d’une poignée en bois. Elle trouva un endroit à l’écart près de la plage et creusa un trou assez profond dans le sol sablonneux, alluma un feu à proximité et y plaça des grosses pierres pour les chauffer, puis entreprit de plumer les grouses.

La plupart des autres femmes vinrent l’aider. Les grandes plumes étaient données à ceux qui faisaient les sagaies, mais Ayla tenait à garder les autres. Beladora vida son petit sac des ustensiles qu’il contenait et le lui offrit pour les plumes. Tous aidèrent à vider et nettoyer chacune des six grouses en mettant de côté le cœur, le gésier et le foie. Ayla les enveloppa dans du foin frais et les remit dans chaque oiseau avant d’emmailloter les oiseaux eux-mêmes dans du foin.

Les pierres chaudes furent disposées dans le fond et sur les côtés de la fosse à l’aide de pinces en bois recourbé. On les recouvrit de terre, puis d’herbe fraîche et de feuilles que les enfants aidèrent à ramasser. On plaça les oiseaux dessus. On ajouta des tiges basses de roseau, des noix pilées, de bonnes racines riches en féculents, enserrées dans des feuilles vertes comestibles, et on les déposa sur les oiseaux. On les recouvrit ensuite d’autres herbes vertes et de feuilles, d’une nouvelle couche de terre et d’autres pierres chaudes. Une dernière couche de terre scella le tout. On les laissa cuire sans y toucher jusqu’au moment du repas du soir.

Ayla alla voir où en était la fabrication des sagaies. Certains faisaient des entailles à l’extrémité des hampes qui devait être placée contre le crochet à l’arrière du propulseur, d’autres collaient les plumes avec de la poix chauffée tirée de la résine de pin. Les plumes étaient maintenues en place avec de la fine ficelle en tendon qu’ils avaient apportée avec eux. Jonokol broyait du charbon de bois qu’il ajoutait et mélangeait à la poix avec de l’eau chaude. Puis il plongeait un bâton dans l’épais liquide noir ainsi obtenu et dessinait des motifs – qu’on appelait « abelans » – sur les hampes. Un abelan désignait à la fois une personne et son nom, le nom d’un esprit de la vie ; c’était une marque symbolique personnelle donnée à un enfant par un Zelandoni peu après sa naissance. Ce n’était pas de l’écriture, mais un usage symbolique de signes.

Jondalar avait confectionné des sagaies pour Ayla aussi bien que pour lui et il les lui donna pour qu’elle les marque de son abelan. Elle les compta ; il y en avait deux fois dix, vingt. Elle traça quatre lignes rapprochées sur chaque hampe. Sa marque personnelle. Puisqu’elle n’était pas née parmi les Zelandonii, elle avait choisi elle-même son abelan et opté pour des marques semblables aux cicatrices laissées, enfant, sur sa jambe par un lion des cavernes. C’est ainsi que Creb avait décidé que le Lion des Cavernes serait son totem.

Les marques servaient ensuite à identifier le chasseur qui avait abattu tel ou tel animal afin qu’il puisse lui être attribué et que la répartition de la viande soit équitable. Non pas que la personne qui avait tué la bête recevait toute la viande, mais elle choisissait en premier les morceaux qu’elle voulait et, plus important, on lui attribuait le mérite d’avoir fourni de la viande. Cela voulait dire louanges, reconnaissance et obligation de rendre. Les meilleurs chasseurs distribuaient souvent la majeure partie de leur viande uniquement pour accumuler du mérite, parfois à la grande consternation de leur compagne, mais on s’attendait à une telle attitude de leur part.

Levela envisagea de participer à la chasse ; Beladora et Amelana déclarèrent qu’elles se feraient un plaisir de surveiller Jonlevan en même temps que Jonayla, mais finalement Levela décida de ne pas y aller. Elle n’avait commencé à sevrer Jonlevan que depuis peu et elle l’allaitait encore de temps en temps. Elle n’avait pas chassé depuis la naissance de son fils et avait l’impression de manquer d’entraînement. Elle risquait de gêner plus que d’aider, pensait-elle.

Une fois les sagaies achevées, Jondalar avait utilisé presque tous les silex qu’il avait trouvés pour confectionner les pointes, les meilleures plumes avaient été fixées aux hampes pour aider les sagaies à voler droit et le moment était presque venu de prendre le repas qu’Ayla avait préparé. D’autres personnes avaient cueilli encore beaucoup de myrtilles, dont la plupart étaient en train de sécher sur des nattes tressées. Le reste cuisait sur des pierres chauffées dans le feu, dans un nouveau récipient solide tissé avec des feuilles de lin et des tiges de jonc qui poussaient dans un marais près du lac. Le sucre de la sauce obtenue provenait uniquement des fruits mais on y ajoutait souvent le parfum de fleurs, de feuilles et d’écorces de diverses plantes. Dans le cas présent, Ayla avait trouvé de la reine-des-prés, dont les petites fleurs formaient un tapis moutonnant et crémeux qui dégageait une senteur de miel, des fleurs bleues d’hysope très aromatiques, remarquable remède contre la toux, ainsi que des feuilles et des fleurs écarlates de bergamote. De la graisse était ajoutée pour rendre le tout plus nourrissant.

Le repas fut jugé délicieux, un véritable festin. La chair de la grouse les changeait de leur viande séchée habituelle, elle apportait une saveur nouvelle et la cuisson au four dans le sol l’avait attendrie, même celle, coriace, des vieux mâles. L’herbe dans laquelle elles étaient enveloppées avait ajouté sa propre saveur et la sauce à base de fruits enrichissait l’ensemble d’un agréable goût acidulé. Il y aurait moins de restes que d’ordinaire pour le repas du matin, mais assez quand même, surtout après adjonction de tiges basses et de rhizomes tendres de lin.

Tous étaient excités à la perspective de partir chasser le lendemain. Jondalar et Willamar ne pouvaient décider de la stratégie à adopter avec les autres avant de voir exactement où étaient les bisons. Comme il faisait encore jour, Jondalar résolut de suivre à nouveau les traces pour s’assurer qu’il parvenait encore à trouver le troupeau. Il ignorait quelle distance il pouvait avoir parcourue. Ayla et Jonayla l’accompagnèrent sur leurs montures, uniquement pour permettre aux chevaux de galoper un peu. Ils trouvèrent les bisons, mais pas tout à fait au même endroit. Jondalar se félicitait d’avoir encore suivi leur piste ; il était ainsi à même de mener les chasseurs directement à eux.

 

 

Le fond de l’air était toujours frais au petit matin, même au cœur de l’été. Et quand Ayla sortit de la tente, elle en sentit aussi l’humidité. Une brume froide flottait au ras du sol, une nappe de brouillard était suspendue au-dessus du lac. Déjà levées, Beladora et Levela alimentaient un nouveau feu. Leurs enfants aussi étaient réveillés et Jonayla se trouvait avec eux. Ayla ne l’avait pas entendue se lever, mais l’enfant était capable de ne pas faire de bruit du tout quand elle le voulait. Elle aperçut sa mère et arriva en courant.

Après avoir uriné, Ayla décida d’aller se tremper dans le lac avant de retourner à la tente. Elle ressortit de celle-ci peu après, vêtue de sa tenue de chasse. Ses allées et venues réveillèrent Jondalar, qui prit plaisir à rester sur son tapis de couchage à la regarder ; il avait été bien satisfait la veille au soir. Le gilet n’apportait pas beaucoup de chaleur, mais les chasseurs ne voulaient pas trop se vêtir, sachant que la température allait monter un peu plus tard. Lorsque la matinée était fraîche, ils restaient près du feu et buvaient une boisson chaude. Une fois partis, le mouvement les réchauffait. La grouse froide était tout aussi bonne que la veille. Une fois encore, on laissa Grise avec Jonayla, mais l’enfant ne voulait pas rester :

— Mère, laisse-moi venir avec vous, s’il te plaît. Tu sais bien que je sais monter Grise, implora la fillette.

— Non, Jonayla. Ce serait trop dangereux pour toi. Il peut arriver des choses auxquelles tu ne t’attends pas. Et puis tu ne sais pas encore chasser, répondit Ayla.

— Quand apprendrai-je ? demanda Jonayla avec ardeur.

Ayla se rappela le temps où elle était impatiente d’apprendre à chasser, bien que les femmes du Clan n’aient pas été censées le faire. Il lui avait fallu apprendre toute seule, en secret.

— Voilà ce que je vais faire, dit-elle. Je vais demander à Jondi de te fabriquer un lance-sagaie, un petit à ta taille, afin que tu puisses commencer à t’exercer.

— Vraiment, mère ? Tu me le promets ?

— Oui, je te le promets.

Jondalar et Ayla menèrent leurs chevaux par la bride au lieu de les monter pour que les autres suivent plus facilement. Il trouva les énormes bisons – dans les un mètre quatre-vingts à l’épaule, cornes gigantesques et pelage marron foncé uni – non loin de l’endroit où il les avait vus la veille au soir. C’était un troupeau d’importance moyenne, mais de toute façon ils ne voulaient pas le chasser entièrement. Eux-mêmes n’étaient pas nombreux et ils n’avaient besoin que de quelques bêtes.

On discuta un moment de la meilleure façon de les traquer et il fut décidé de faire le tour du troupeau, avec précaution pour ne pas l’alarmer, afin de voir comment se présentait le terrain. Aucun repli de terrain ne leur permettait de s’avancer au milieu des bêtes sans se faire voir, mais à un certain endroit il y avait le lit d’un ruisseau à sec aux berges assez hautes.

— Ça pourrait faire l’affaire, dit Jondalar, si nous allumons un feu à l’extrémité inférieure, mais pas avant de les avoir rabattus à proximité. Il faudrait donc préparer le feu et l’allumer avec une torche. Nous devrons ensuite les diriger par là.

— Tu crois vraiment que ça peut marcher ? Comment allons-nous les mener là où nous voulons ?

— Avec les chevaux et Loup. Dès qu’ils entreront dans la zone encaissée, l’un de nous pourra allumer le feu au bout pour les ralentir. D’autres attendront sur les berges ; le mieux sera sans doute qu’ils se couchent par terre et, quand les bêtes arriveront devant eux, qu’ils se lèvent en vitesse et se servent des lance-sagaies. Nous devrons ramasser du bois et l’entasser à l’extrémité de la ravine, puis trouver de l’amadou et d’autres allume-feu.

— Il semble que tu aies tout prévu, souligna Tivonan.

— J’ai réfléchi à tout ça et discuté de certaines possibilités avec Kimeran et Jondecam. Au cours de notre Voyage, avec les chevaux et Loup, nous choisissions généralement une ou deux bêtes du troupeau. Ils ont l’habitude de nous aider à chasser.

— C’est ainsi que j’ai appris à me servir du lance-sagaie à cheval, dit Ayla. Une fois, nous avons même abattu un mammouth.

— Cela me semble bien pensé, remarqua Willamar.

— À moi aussi, mais je ne suis pas bon chasseur, dit Jonokol. Je n’ai pas beaucoup chassé, du moins avant de participer à ce Voyage.

— Peut-être n’as-tu pas beaucoup chassé auparavant, mais tu es maintenant un chasseur plus que convenable, objecta Palidar.

Tous les autres en convinrent.

— Ce Voyage m’aura donc doublement profité. Non seulement je vais voir des Sites Sacrés fascinants, mais j’apprends à être bon chasseur, dit Jonokol, souriant.

— Bon, allons ramasser de l’herbe sèche et du bois à brûler, conclut Willamar.

Ayla et Jondalar apportèrent leur aide tandis que tous parcouraient les environs en quête de bois et autres matériaux combustibles, qu’ils disposaient ensuite à l’extrémité du lit du ruisseau asséché. Suivant la suggestion de Willamar, ils ajoutèrent une rangée de petit bois sur le devant pour faciliter la propagation du feu à travers le gros tas. Puis ils montèrent à cheval, firent signe à Loup et commencèrent à encercler le troupeau. Willamar chargea ensuite ses apprentis, Palidar et Tivonan, d’allumer un feu des deux côtés quand il le leur dirait.

— Dès que le feu aura pris, vous pourrez prendre position avec vos lance-sagaies, leur dit-il.

Les deux jeunes gens acquiescèrent et tous trouvèrent des endroits où attendre.

Et ils attendirent.

Chaque chasseur était dans son propre espace de silence et écoutait à sa manière. Les deux jeunes gens, tout excités à la perspective de la chasse, s’efforçaient d’entendre Ayla et Jondalar encercler le troupeau. Jonokol entra dans un état méditatif qui, comme il l’avait appris longtemps avant, le maintenait en alerte et conscient de ce qui se passait autour de lui. Il entendit Ayla et Jondalar crier au loin, et aussi les notes sonores au tempo décroissant d’un martin-pêcheur. Il chercha des yeux l’origine du bruit et aperçut le bleu vif et l’orange noisette du dessous du plumage de l’oiseau. Puis il entendit le croassement rauque d’un corbeau.

Kimeran revint par la pensée à la Deuxième Caverne des Zelandonii et espéra que tout le monde allait bien en son absence… mais pas trop quand même, sans sa gouverne. Cela aurait impliqué qu’il n’était pas un très bon chef. Jondecam songeait à sa sœur, Camora, et aurait aimé qu’elle n’habite pas si loin. Levela, sa compagne, avait exprimé le même sentiment, la veille au soir.

Un martèlement de sabots venant dans leur direction attira leur attention. De chaque côté du long tas de bois, les deux jeunes gens se tournèrent vers Willamar. Il avait la main levée, regardait dans l’autre direction et s’apprêtait à donner le signal. Un éclat de silex dans une main, un morceau de pyrite de fer dans l’autre, ils se préparaient tous les deux à faire jaillir une étincelle en les frappant l’un contre l’autre, sans anicroche, espéraient-ils. Ils s’y entendaient à allumer un feu de cette façon, mais l’excitation risquait de les rendre maladroits. Tous les autres tenaient leur lance-sagaie armé et prêt à tirer.

Quand les bisons s’élancèrent dans le lit asséché, une vieille femelle rusée essaya de prendre la tangente, mais Loup anticipa le mouvement. Il se précipita vers l’énorme bison et poussa un grondement effrayant en montrant les crocs. L’animal opta pour la voie de moindre résistance et descendit le lit du ruisseau.

À ce moment-là, Willamar donna le signal. Palidar fut le premier à faire jaillir une étincelle et se pencha pour attiser la flamme. Tivonan dut s’y reprendre à deux fois mais il eut bientôt allumé un feu crépitant au milieu du lit. Leurs deux foyers se rejoignant, le gros bois s’enflamma à son tour. Dès qu’ils furent certains que le feu avait bien pris, ils se précipitèrent en haut de la berge tout en armant leurs lance-sagaies.

Les autres chasseurs étaient prêts. Le feu avait déjà ralenti la course des bisons, qui beuglaient dans la plus grande confusion. Ils ne voulaient pas se jeter dans les flammes, mais leurs congénères à l’arrière du troupeau les poussaient en avant.

Les longs projectiles commencèrent à voler !

Une nuée de hampes en bois prolongées de pointes de silex aiguisées envahit le ciel. Chaque chasseur avait pris pour cible une bête différente et il la suivait attentivement des yeux à travers la fumée et la poussière. Ils lancèrent leur deuxième sagaie, dirigée en général vers le même bison que la première. Ils avaient chassé en chemin pendant tout l’été et s’étaient améliorés.

Jondalar repéra un mâle à grosse bosse couverte de laine et longues cornes noires pointues. Sa première sagaie l’abattit et la deuxième l’immobilisa définitivement. Il réarma en vitesse son lance-sagaie et visa une femelle mais ne fit que la blesser.

La première sagaie d’Ayla atteignit un jeune mâle, pas encore tout à fait adulte. Elle le regarda s’écrouler, puis vit la sagaie de Jondalar toucher la femelle, qui chancela mais ne tomba pas. Elle lui lança une autre sagaie et la vit tituber à nouveau. Les premières bêtes du troupeau franchissaient le mur de feu. Les autres suivaient, abandonnant leurs congénères abattus.

C’était fini.

Tout s’était passé si vite que c’était difficile à croire. Les chasseurs allèrent voir les pièces tuées : neuf bisons en sang jonchaient le lit du ruisseau. L’examen des sagaies révéla que Willamar, Palidar, Tivonan, Jonokol, Kimeran et Jondecam avaient tué une bête chacun. À eux deux, Jondalar et Ayla en avaient trois à leur actif.

— Je ne m’attendais pas à un si beau tableau de chasse, dit Jonokol en regardant les marques sur la sagaie pour s’assurer que l’animal lui revenait. Nous aurions peut-être dû coordonner nos efforts auparavant. C’est presque trop.

— Il est vrai que nous n’avions pas besoin d’autant, mais nous aurons plus de viande à nous partager, dit Willamar, qui n’aimait pas arriver les mains vides à une Caverne. Ce ne sera pas perdu.

— Mais comment allons-nous les transporter tous ? Trois chevaux ne peuvent tirer neuf bisons sur des perches, fit remarquer Palidar.

La sagaie du jeune homme avait atteint un énorme mâle et il ne voyait pas trop comment ils allaient déplacer la bête, sans même parler des autres.

— Je crois que l’un de nous va devoir aller en avant à la prochaine Caverne et ramener du renfort, répondit Jondalar. Ça ne les dérangera sûrement pas. Ils n’auront pas à les chasser.

Il s’était posé la même question que Palidar, mais il avait plus d’expérience avec des animaux aussi énormes et savait qu’être plus nombreux faciliterait la tâche.

— Tu as raison, approuva Jondecam, mais je crois que nous allons devoir déplacer notre camp ici pour débiter les carcasses.

Il n’avait visiblement pas hâte de reprendre la route.

— Ça risque de contrarier Beladora, objecta Kimeran. Elle a entrepris plusieurs travaux de tissage et elle n’aura pas envie de déménager. Mais j’imagine qu’elle pourra aussi venir ici aider au dépeçage.

— Nous pouvons les dépecer ici, puis les débiter en grosses pièces, faire plusieurs voyages pour les rapporter à notre camp et commencer à faire sécher une partie de la viande, proposa Ayla. Nous pourrons ensuite apporter de la viande fraîche à la Caverne suivante et leur demander de nous aider à transporter le reste.

— Bonne idée, dit Willamar. Je vais confectionner des coupes avec les cornes.

— J’aimerais bien préparer de la colle pour fixer les pointes aux hampes en faisant bouillir quelques sabots, ajouta Jondalar. La poix n’est pas mal, mais les sabots et les os font une meilleure colle.

— Et on pourra confectionner de nouvelles outres avec les estomacs et se servir des intestins pour conserver la graisse, renchérit Ayla.

— Levela garde parfois aussi la viande coupée en morceaux dans des intestins bien nettoyés, observa Jondecam, et on peut s’en servir pour imperméabiliser les chapeaux et les chausses.

Ayla se rendit compte soudain à quel point ils étaient près de leur destination. Ils n’allaient pas tarder à laisser Amelana à sa Caverne, puis ils iraient voir le Site Sacré très ancien que la Première voulait tout particulièrement lui montrer ; il n’était pas loin. Ensuite, selon Willamar, deux jours suffiraient à les amener chez Beladora. Après quoi, ils reviendraient sur leurs pas et rentreraient chez eux.

Le retour serait aussi long que l’aller, mais, en regardant autour d’elle, Ayla eut le sentiment que la Mère leur fournissait tout ce qu’il fallait pour subvenir à leurs besoins durant le trajet de retour. Ils avaient les matières premières nécessaires pour remplacer leur matériel, leurs armes et leurs vêtements usés. Il y avait plus de viande qu’il n’en fallait pour en mettre à sécher et préparer des galettes de voyage, indispensables pour couvrir rapidement de longues distances, en hachant la viande déshydratée et en y ajoutant de la graisse et des baies séchées. Ils disposaient aussi des racines et tiges séchées de certaines plantes et de variétés de champignons connues de tous.

 

 

— Je suis déjà venue ici ! Je connais cet endroit ! s’exclama Amelana, excitée de voir un lieu familier, puis un autre.

Il était maintenant hors de question de s’arrêter pour se reposer ; enceinte ou pas, elle était impatiente d’arriver chez elle.

Le petit groupe de voyageurs arriva à un sentier bien marqué qui longeait un méandre de la rivière en forme de U. Une ancienne zone inondable s’était muée en un herbage plat, plus haut que le courant rapide, qui finissait brusquement au pied d’une falaise. Bon endroit pour laisser paître les chevaux, pensa Ayla.

Le large sentier escaladait transversalement le flanc de la falaise en contournant des buissons et des arbustes, dont les racines servaient parfois de marches. Le chemin n’était pas facile pour les chevaux, d’autant moins qu’ils traînaient les travois, mais elle se souvint combien Whinney avait eu le pied sûr lorsqu’elle était montée jusqu’à sa grotte, dans la vallée où elle l’avait trouvée.

Lorsque les voyageurs arrivèrent à une corniche en surplomb abritée dans une zone manifestement bien habitée, le sentier s’aplanit, peut-être grâce au travail humain, pensa Ayla. Beaucoup de gens, qui se livraient à des activités diverses, interrompirent leur tâche pour regarder l’étrange procession qui avançait vers eux, composée de personnes et de chevaux étonnamment dociles. Whinney portait le licou que Jondalar avait confectionné à son intention. Ayla aimait s’en servir lorsqu’ils allaient au-devant de situations inconnues et éventuellement perturbantes, mais elle menait à la fois Whinney et Grise, qui tiraient toutes les deux des travois. La Première était installée sur celui de Whinney, celui de Grise transportait un gros chargement de viande de bison. Willamar, ses deux aides et Amelana les accompagnaient.

Lorsque la jeune femme, de toute évidence enceinte, qui se trouvait parmi eux se détacha du groupe, elle éveilla l’attention.

— Mère ! Mère ! C’est moi ! cria-t-elle en courant vers une femme aux proportions appréciables.

— Amelana ? C’est toi, Amelana ? Que fais-tu ici ? demanda cette dernière.

— Je suis revenue à la maison, mère, et je suis si heureuse de te voir !

Elle se jeta au cou de sa mère, mais son gros ventre l’empêcha de se coller à elle. La femme lui rendit son étreinte, puis la repoussa à bout de bras en la tenant par les épaules pour regarder cette fille qu’elle avait cru ne jamais revoir.

— Tu es enceinte ! Où est ton compagnon ? Pourquoi es-tu revenue ? As-tu fait quelque chose de mal ? demanda sa mère.

Elle ne pouvait imaginer une femme enceinte parcourant une distance qu’elle savait être longue. Elle n’ignorait pas que sa fille pouvait se montrer impulsive et espérait qu’elle n’avait pas enfreint quelque tabou ou coutume, ce qui expliquerait qu’on la renvoie chez elle.

— Bien sûr que non, je n’ai rien fait de mal. Sinon, la Première parmi Ceux Qui Servent la Grande Mère ne m’aurait pas raccompagnée chez moi. Mon compagnon marche maintenant dans le Monde d’Après ; comme j’étais enceinte, je voulais rentrer à la maison et avoir mon enfant auprès de toi, expliqua Amelana.

— La Première est ici ? La Première t’a accompagnée ? s’étonna sa mère.

Elle se tourna pour regarder les nouveaux arrivants. Une femme descendait d’une sorte d’appareil tiré par un cheval. Elle était grosse, plus grande qu’elle, et en voyant le tatouage qu’elle portait sur le côté gauche du front elle sut qu’elle était une Zelandoni. Celle-ci s’avança vers elle avec une grande dignité et une présence indéniable, qui respirait l’autorité. À regarder de plus près le tatouage, les motifs qui ornaient ses vêtements, le pectoral et les colliers qu’elle portait, la mère d’Amelana comprit qu’elle était effectivement la Première.

— Pourquoi ne me présentes-tu pas à ta mère, Amelana ? dit celle-ci.

— Mère, je te prie de saluer la Première parmi Ceux Qui Servent la Grande Terre Mère, commença Amelana. Zelandoni, je te présente Syralana, de la Troisième Caverne des Zelandonii du Sud Gardiens du Site Sacré le Plus Ancien, unie à Demoryn, l’Homme Qui Commande la Troisième Caverne, et mère d’Amelana et d’Alyshana.

Montrer à sa mère et à l’assistance qu’elle connaissait bien le chef spirituel de la Zelandonia lui procura une évidente satisfaction.

— Sois la bienvenue, Première parmi Ceux Qui Servent la Grande Mère, dit Syralana en s’avançant vers elle, les deux mains tendues. Ta venue est pour nous un grand honneur.

La Première lui prit les deux mains et répondit :

— Au nom de la Grande Terre Mère, je te salue, Syralana de la Troisième Caverne des Zelandonii du Sud, Gardiens du Site Sacré le Plus Ancien.

— N’es-tu venue de si loin que pour ramener ma fille à la maison ? ne put s’empêcher de demander Syralana.

— J’emmène mon acolyte faire son Périple de Doniate. C’est elle qui a les chevaux. Nous sommes venus voir votre Site Sacré le Plus Ancien. Il est connu même de nous, qui habitons loin au nord.

Le Pays Des Grottes Sacrées
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